Aujourd’hui est une belle journée pour aller pique-niquer dans la zone sud de l’île, comme la température y est belle. Ça fait deux jours que je m’y prépare, espérant profiter des fleurs et de leur doux parfum. J’ai profité des deux dernières journées pour passer chez tous les meilleurs marchands du coin; pain frais, petits saucissons fumés, fromage local vieillit, quelques fruits de la région qui se marient bien avec un certain bon vin que je trimballe dans mon petit (gros) panier, avec une nappe à mettre au sol et tout le tintouin. Je le porte avec mon bras valide, parce qu’avec ma prothèse ça a tendance à me donner l’impression que ça tire sur la peau, et même si je sais que la prothèse ne peut pas s’arracher (horreur), je garde quand même une certaine peur… enfin, passons.

Et comme je m’en vais en nature, loin de toute civilisation (enfin… pas directement à côté de l’autoroute, quoi), je peux me permettre de retirer mes lunettes fumées, comme je risque moins de rencontrer des gens sur le chemin. À mes côtés, Merlot, ma Keunotor, avance en se dandinant (comme à l’habitude), heureuse elle aussi de profiter de cette journée. Arrivé dans un coquet champ de fleur (qui m’a été indiqué par un local à qui j’ai tapé la causette la semaine dernière), la voilà qui s’arrête pour humer chaque fleur que nous croisons, éternuant parfois quand elle approche trop son museau des pistils des fleurs.

« Hmm. Je crois que j’avais sous-estimé le temps que ça nous prendrait avant d’arriver sur place » que je remarque, sans jugement aucun; ma pokémon est douce et, si il nous faudra prendre deux heures de plus, alors il me fera plaisir de prendre ce deux heures de plus, c’est tout. Mais alors que nous avançons (très lentement), la voilà dont les oreilles frémissent d’impatience, qui saute sur place un coup avant de s’élancer dans la nature. Je me retrouve donc à dégringoler en bas d’un sentier, à essayer de la suivre elle et ce qu’elle a bien pu repérer. Il ne nous faut heureusement pas beaucoup de temps avant d’arriver à la source de toute cette aventure : toi.

Elle t’as reniflé de loin, elle (surement le vent qui poussait ton odeur jusqu’en haut de la colline que je viens de descendre à une vitesse impressionnante), en tout cas. Angel, avec la bouille qui sied le nom, je m’arrange pour ralentir ma course sans te percuter et je remercie ma belle étoile de ne pas être en train de m’écraser au sol à cause de mon cardio de merde. Faut dire, les cigarettes qui me glissent parfois au bec sont autant de raisons pour mon manque d’athlétisme….

« Angel » dis-je, laissant ma voix graveleuse traverser la distance entre nous deux. « Merlot voulait dire bonjour » je replace derrière mon oreille une mèche de cheveux un peu plus rebelle que les autres, et puis je me sens nu en réalisant que je ne porte pas mes lunettes fumées. Elles sont rendu comme une barrière de protection entre les autres et moi, au fond, mais nous nous sommes croisés (au centre pokémon) un brin de fois assez nombreux pour que cela ne pose pas trop de problème, je crois. « On ne vous dérange pas, j’espère? » le ton est froid, peut-être, mais mes yeux qui se posent sur toi, eux, sont empreint d’un espoir qu’on ne leur attribuerait pas au premier coup d’œil, le brun presque noir de mes yeux s’illuminant comme pour dire que si j’avais prévu une balade, ce n’était pas nécessairement mon plaisir de la faire seul.

… Oh. N’est-ce pas injuste de placer l’espoir d’une rencontre sur tes épaules, toi qui avait sûrement autre chose à faire que de partager ton samedi avec un vieux?

« Tu cherches quelque chose? » et oui, avec moi le vouvoiement ne dure jamais bien longtemps, même si je fais un effort par politesse. Mais franchement, pourquoi s’embourber dans des platitudes du genre? Ou alors peut-être que c’est mon temps avec la racaille de la team rocket qui a changé ma perception de la chose. Entre nous on ne se donnait pas de marques de respects, sauf évidemment pour les admins, mais justement, pour moi ça me fait un peu beurk, ça me fait un peu comme si j’étais le sous-fifre de quelqu’un et, franchement, maintenant que je suis loin de la team rocket, autant ne plus me mettre dans ce genre de situation. « Non » dis-je simplement, mes sourcils se fronçant et mon regard sombre qui s’était posé sur toi finissant par darder de gauche à droite comme pour le trouver rapidement. « Tu viens d’le perdre? » demandais-je, hésitant, parce qu’au fond si tu avais fait pas mal de chemin ça allait être difficile de le trouver, surtout dans un champ de fleur, non? « C’est pas d’bol » dis-je simplement, hésitant, parce que franchement ça ne représentait pas ce que je ressentait. Pas d’bol, ça n’impliquait pas que je me souciais de toi, de ton objet, alors je pose mon panier (qui était lourd, quand même) au sol, et puis j’ajoute : « Cherchons ensemble, ce sera mieux. La pique-nique peut attendre, lui »

Je fais deux pas pour me rapprocher de toi, et ma main valise se pose sur ton épaule dans ce qui voulait être un mouvement chaleureux alors que je l’enserre doucement. « Tu dis que c'est un pendentif de livre, c’est ça? Il est gros comment, environ? » parce que ça allait changer assez rapidement comment je cherchais pour la chose. Pui je dis avec une pointe d’humour. « Pour une fois c’bien d’être très grand, j’aurai peut-être un meilleur angle de vu » et puis ma main vient tapoter légèrement le sommet de ton crâne; ça fait un peu beauf comme mouvement, mais bon, je suis pas le plus doué socialement. En tout cas, Merlot, elle, profite bien des caresses que tu lui offres.

… Est-ce normal d’être légèrement jaloux d’un pokémon? Mais au fond, pour les caresses, Merlot travaille fort, ou en tout cas elle fait des efforts que mois je ne fais pas. Comme d’aller vers les gens, d’être d’apparence joviale, tout le tintouin. Bref. Nous cherchons un petit moment, jusqu’à ce qu’un mouvement brusque dans l’herbe ne me fasse sursauter, un mouvement violent de me corps se faisant alors que l’attaque de panique me gagne. Regard terrorisé, membres qui se crispent, respiration haletante, jusqu’à enfin comprendre ce qui se passait : un Rozbouton tout mignon venait de me percuter en jouant. Et quand je reprends mes aises, je remarque enfin que j’ai posé ma main sur ton bras pour l’enserrer. « Pardon » murmurais-je en le libérant, tâchant de respirer calmement pour redonner de l’ordre dans mes idées.

« T’es chanceux que j’t’aie pas filé un coup d’pied » marmonnais-je simplement en regardant le pokémon qui me regardait, ses petits yeux fixés sur ma personne. Je lui fais signe qu’il peut retourner vaquer à ses occupations, au fond, parce que je ne tiens pas à avoir une bande de pokémons sauvages autour de nous alors que nous cherchons un petit pendentif dans l’herbe sauvage et les fleurs.

« C’la moindre des choses » te corrigeais-je doucement ; après tout, je comptais fermement profiter du temps de déguster le repas ensemble, et s’il fallait chercher un pendentif, alors - « ça ne fera qu’ouvrir notre appétit. » et puis je regarde autour de nous ; « Ouais, entre les herbe et les fleurs, ça va pas être évident, mais on doit au moins essayer » dis-je simplement, entreprenant de bouger les herbes avec mes grosses bottes de cuir pour mieux voir le sol. Mon regard, quand même, se retourne vers vous (toi, Merlot) parce qu’elle produit de petits sons heureux alors que tu la câlines. Je souris largement, sa bonne humeur étant communicative. « Y’en a une qui profite, en tout cas » pouffais-je de rire, un rire doux et léger comme une brise de printemps. Et puis je soupire ; « Hier, tu dis ? » je n’ajoute pas que ça complique les choses, parce qu’évidemment, tu dois le savoir et je ne veux aggraver ni la situation, ni ton moral.



Mais bien vite, c’est un de tes pokémons qui s’agite, m’obligeant à relever la tête avec peut-être un peu trop de force, puisque j’ai été surpris et que ma peur a eu le meilleur de moi. Heureusement, encore une fois, tu gères la situation. « Il se passe quoi ? » demandais-je sans trop comprendre – et puis plus vite que je pu avoir une réponse, te voilà à courir et courir en rond autour d’un Tournegrain, sûrement l’ami de ce Rozbouton que j’ai failli catapulter d’un bon coup de pied. « Hey ! » dis-je assez fort, pas envers toi, mais envers le Tournegrain, dans l’espoir de le faire ralentir un peu pour que tu l’attrapes. Je pose mes mains sur mes hanches, incertain de ce que je pouvais faire pour t’aider, alors j’opte pour rester planté là comme un piquet.



De toute manière, tu finis bien par revenir, le pendentif dans tes mains. Je siffle d’admiration ; « Wow, c’était quoi les chances » mots qui glissent vers toi en te regardant peut-être un peu étrangement, parce que je ne comprends pas trop ça, les gens qui sont chanceux. C’est pas mon cas, au fond, alors je ne peux qu’admirer - et jalouser, un peu - alors que tu me tends le petit pendentif. Je regarde le portrait de tes parents, légèrement surpris d’y trouver deux hommes. « Ce sont tes pères? » dis-je, peut-être un peu trop curieux, pour la peine. « Est-ce que vous êtes originaires de l’île ? » et puis je réalise que de te demander ça revient à devoir répondre à la question ensuite, par politesse, et je suis un peu mal sur le sujet, alors je tente de changer le sujet, quand subitement le hennissement surpris d’un pokémon retentit alors qu’il fonce vers nous.

« Attention !  » m’écriais-je, paniqué, alors que le Vivaldaim fonce vers nous. Je t’attrapes, tout simplement, le corps réagissant comme toujours plus vite que le cerveau, et je nous propulse dans l’herbe qui nous réceptionne pour éviter le pokémon affolé qui fonçait vers nous. J’ai le cœur qui bat à tout rompre, un bras qui a mal parce que je suis tombé dessus ( mais il ira bien dans un instant ) ; surtout, j’ai les bras enserrés autour de ta personne, ta tête reposant contre mon torse. Je ne suis pas du genre à m’embarrasser facilement, alors plutôt que de piquer un fard, je desserre ma prise sur toi et je te dis ; « T’es pas blessé, toujours ? » j’ai du mal à contrôler les tremblements de mon corps – vraiment, c’est un peu trop d’action pour moi aujourd’hui. 'Faudra que j’en parle à mon thérapeute…

« Ne t’excuses pas » dis-je, balayant la chose d’un geste de la main. « c’est tout à fait normal, ce pendentif n'est pas n’importe quel objet pour toi » parce que si je souscris au fait que les objets ne sont pas aussi importants que le bien-être des gens, je suis toutefois d’accord que certains objets sont importants, voir nécessaires, pour le bien-être de ces mêmes personnes. « Puis ça aurait été terrible qu’il s’enfuit avec ton pendentif » observais-je doucement. Mon air est plus calme maintenant que les pokémons ont quitté (mais ça sera de très courte durée, ça) et puis; « Oh, je vois. Ils doivent te manquer » je dis ça, j’assume, au fond, simplement que tu tiens à eux puisque tu gardes un pendentif avec leur image respective. « Et moi… » j’hésite. Je ne peux pas te répondre précisément, mais tu as l’air d’avoir une bonne bouille, alors je te dis ça :

« Écoute, moi, j’dois avoir l’âge de tes parents » observation qui assumait de ton âge, mais tu as l’air plutôt jeune, de mon point de vue. « J’ai pas fait de temps pour avoir d’enfants » est-ce que j’aurais aimé être entouré de marmaille, de toute manière ? Ce n’est pas tout de les faire, les enfants, il faut aussi les aimer et les élever. Au final, je préfère largement m’embêter des enfants des autres plutôt que de penser à en avoir. « Et il y a longtemps que je ne suis plus en contact avec mes parents, malheureusement. Nos vies ont juste divergé à un moment » est-ce que ça me rendait triste ? Même pas, au fond, j’ai fait mes choix et j’ai préféré jouer aux héros que d’entretenir des liens familiaux. Mes parents et moi, on n’a jamais été d’accord sur la tournure que ma vie prendrait, de toute manière.

« Je t’envie un peu » que j’admets dans un souffle, parce qu’il me manque d’avoir des attaches. J’allais faire une blague de type si tu te cherches un troisième père, je prends des candidatures quand le Vivaldaim et le Granivol firent apparition, m’envoyant dans une grosse panique. Tu t’excuses et j’aurais ri si je n’étais pas si paniqué, si ma bouche n’était pas rendue sèche d’angoisse. « pas de mal, non » dis-je simplement, et pendant un instant, on pourrait jurer que je t’avais enserré un peu plus. Mais je te laisse aller et je me redresse, les yeux dardant vers le pokémon dans l’espoir qu’il ne se ruera pas vers nous à nouveau. « Puis tu m’es pas tombé dessus, c’Est moi qui t’a précipité dans ma chute » ma main va vers toi comme pour t’empêcher de partir, mais je le vois bien, dans tes yeux, que tu es animé par l’expérience de ton travail, alors je fais mon possible pour me mettre, un minimum, hors de ton chemin, légèrement (très) honteux de me retrouver en panique si facilement alors que toi, tu passes tout de suite à l’action.

Si j’étais plus courageux, je te proposerais de l’aide.

Mais non – la vie depuis mon accident en a voulu autrement. Mes yeux te suivent avec envie et peur, peur qu’il t’arrive quelque chose. Je ne te connais pas, pas vraiment, mais je ne souhaite pas de mal à mon prochain, alors il m’est tout naturel de m’inquiéter. Puis une scène sans dessus dessous s’anime devant moi : le Vivaldaim qui fonce et fonce et tourne en rond, et puis toi, qui tente de l’orienter – et puis le Vivaldaim frêne (heuresement) pour ne pas te rentrer dedans, mais cela catapulte le Granivol vers l’avant – mais le pokémon est léger et flotte dans le vent plutôt que de se lancer en boulet de canon, et il finit sa course contre ton torse. Je soupire – réalisant seulement à ce moment que j’avais arrêté de respirer, et que les muscles de mon bras étaient serrés très forts.

« Bien vu » te glissais-je doucement, mais malheureusement, ma voix s’éteignit si tôt que je doute que mes paroles se soient même rendues jusqu’à tes oreilles. Un mouvement à mes pieds me fait sursauter, et je réalise que c’est Merlot qui se frotte contre ma jambe. Alors je me penche pour la ramasser, bloquant mon bras mécanique pour la tenir alors que je viens la câliner de mon bras de chaire. Elle vient lécher ma joue de sa langue râpeuse, et l'espace d’un moment, j’oublie que je tremble et que je suis lâche, parce que son amour à elle peut effacer les pires des maux. Je n’ose pas t’approcher, toi ; tu as un pokémon dans les bras, et au fond, je me dis que tu dois être occupé à régler la situation. Puis mon esprit se rappelle ce que je fais ici, et mes yeux cherchent avec inquiétude le panier de vivre qui a été laissé au sol-

Ouf.

Tout va bien, le panier n’a pas été écrasé ou renversé. Avec tout ça, ça aurait été plausible. Pour détendre un peu mon corps, je dis, plus fort cette fois, avec une tentative de bonne humeur : « Tout ça a de quoi ouvrir l’appétit… » parce que la bouffe, au fond, règle bien des problèmes. « En plus t’as ton pendentif, rien ne t’arrêtes. À moins que ta petite bête soit blessée ? »