« Ah, ouais, ‘fin dit comme ça t’as raison, c’est pas trop mes pokémons qui vont faire peur à qui qu’ce soit. Shaoxing risque de manger les plantes, perdu comme il est, et Merlot et Sangria c’que des bébés. Bandol… Bandol pourrait sûrement faire de la protection, pour peu qu’il ne soit pas celui qui nous attaque » un petit rire nerveux et je me masse l’arrière du crâne avec ma main, et puis je semble m’arrêter pour réfléchir, considérer la chose. « Bon, qu’est-ce qu’on perd à essayer » que je marmonne, et puis je fais sortir le Ratentif de sa pokéball.

« Bandol » dis-je en tentant de bien doser le sérieux et le doux, « J’ai une mission pour toi. Surveiller le périmètre du jardin et mordre les chevilles de tous les pokémons qui s’approchent trop » je me dis qu’en lui donnant un cible pour passer sa frustration, peut-être qu’ce sera pas nous ses premières victimes. ‘Fin avec un peu d’espoir on sera pas ses victimes tout court.

« J’apprécie l’enthousiasme »  dis-je, une pointe de sarcasme humoristique aux lèvres alors que je roule les yeux avec dramatisme. Ce que tu ne peux sûrement pas voir vu comme je porte mes lunettes de soleil. « Mais l’javel ça va tuer aussi les bonnes plantes. Mais bon si tu veux juste t’installer sur une chaise et me regarder travailler, ça me va aussi » que je continue – parce que dans ta raillerie je crois voir une pointe de flemme, enfin, un manque d’envie de jardiner et d’en apprendre plus sur ce passe-temps. C’est ma faute, aussi, puisque je t’ai invité. « Commençons par boire ce café, hein » que je dis toutefois, faisant un mouvement pratiqué pour remettre mon haut le temps de discuter.

J’installe deux chaises de plastiques qui furent jadis blanches sur un endroit vide de plantes et puis j’pose mon cul sur l’une d’elles, te faisant signe de me rejoindre. « J’y pense, si tu veux pas te salir trop trop les mains, tu pourrais récolter les légumes et les fruits qui ont poussés, t’en dit quoi? » après tout ça semble plus productif et intéressant que de se défaire le dos en arrachant des plantes jusqu’à la racine.

Mais bien vite, le chaos revint – comme toujours quand nous sortons, au fond. « Bandol? » que je m’exclame en me relevant, te tendant mon café à demi bu pour me libérer la main et m’approcher des bruits. Puis j’les voit; un Amphinobi qui sortait d’un buisson bien fourni en petites baies, et un Ptitard voleur, mais surtout, y’a Bandol qui l’a vu en même temps que moi. Avant même que je puisse dire ou faire quoi que ce soit, voilà que le petit ch’napan se projette pour littéralement mordre les chevilles de l’Amphinobi.

Bah bravo, il m’a pris au sérieux au moins.

Sans trop réfléchir, me voilà qui lance un pokéball (heureusement que tu as mon café en main au fond, sinon j’aurais rien pu faire) sur l’Amphinobi confus qui agite sa patte pour se débarrasser du chien de chasse.

Y’a vraiment que Chickpea pour être aussi joueur avec Bandol, ça c’est vrai. Le pokémon est plus souvent qu’autrement de mauvaise humeur, et de se faire sauter dessus ainsi… oh, Chardonnay s’y était bien adonné, mais disons qu’elle avait été réceptionnée avec agressivité et que ça ne s’était pas bien fini entre les deux! Mais Chickpea, lui, il lui saute dessus et Bandol se laisse faire, et les cris joyeux de ton pokémon se font entendre. « Ouais » dis-je alors, « c’est comme de la magie rendu là, Bandol il devient gentil quand Chickpea est là. À la limite, c’est comme si c’était un autre pokémon… je suis un peu dépourvu, je vais t’avouer, à savoir quoi faire pour qu’il soit comme ça, enfin, tout le temps. Rien ne l’oblige à être joyeux ou gentil, mais à la limite, je veux au moins qu’il soit heureux, tu vois? » je grogne un peu, manifestement pas habitué de devoir me battre avec mes pokémons pour qu’ils soient de bonne humeur. Faut dire qu’avec des pokémons comme Merlot par exemple, il n’est pas difficile de savoir qu’ils sont heureux. Déjà, ça ne leur prend pas grand-chose.

« Deal » dis-je simplement, un sourire vainqueur sur les lèvres. « Ça me fait plaisir de te montrer, et ça ira bien plus vite à deux de toute manière » et puis, va pas croire que je n’ai pas remarqué le petit instant de déception que t’as eu quand j’ai remis mon haut. Peut-être que je me fais des films, peut-être que je vois ce que je veux voir, au fond, mais je compte bien pousser la chose pour arriver à une conclusion à ton sujet.

Oh, il serait simple de te demander, mais c’est bien moins drôle. Et je dois avouer, je ne voudrais pas te froisser avec une question déplacée. C’est très personnel, et avec toi, je ne veux pas tout foirer. C’est pas exactement que je marche sur des œufs, non plus, je crois pas. J’ai pas peur de ta réaction, autant que j’y porte attention. Une attention particulière, au fond. Tu acceptes de cueillir les fruits et moi je me contente de siroter mon café, jusqu’à l’incident avec l’Amphinobi. Je fais quelques pas pour aller chercher la pokéball du pokémon fraichement capturé, et puis je dis : « Bon… on trouveras bien quelqu’un pour te prendre » parce que personnellement je n’avais pas d’intérêt particulier, c’était simplement mon réflexe défensif. Drôle de réflexe, vous direz, mais un pokémon qui est dans sa pokéball ne peut généralement pas vous faire du mal.

Je reviens vers toi, posant la pokéball dans mon sac à dos avant de réaliser que je te fais tenir mon café depuis tantôt. « Merci » dis-je plutôt que de me confondre en excuses, et je reprends mon bien pour en prendre une bonne gorgée, avant de me retourner vers mon Ratentif : « T’as bien fait, p’tit gars » que je dis pour l’encourager. Je peux sentir en quelques sortes qu’il m’a entendu et qu’il attendait un mot du genre, mais il ne me regarde pas, ce sont ses oreilles qui frétillent de contentement, toutefois, qui me mettent la puce à l’oreille. Il s’en va hors de vue, faisant le tour du jardin comme un héros qu’on ne mérite pas. Je termine mon café, m’étirant de ton mon long, bras lancés vers le ciel et haut remontant sur mon ventre, avant de grogner de satisfaction. « Bon, allez, j’y retourne pendant que la température reste fraiche »

Bon, faut avouer que le jardinage, c’est fun, mais c’est pas ce qui te confronte au plus de conversation. On risque d’y aller dans le silence… mais j’apprécie tout de même ta présence à mes côtés. C'est l’important, non? Passer nos journées à s’occuper les mains avec des gens qu’on apprécie. Je dis : « Merci, Arès. C’vraiment chouette que tu m’aides, même si le jardinage c’est pas ta passion. L aprochaine fois, on fait un truc que toi tu aimes, ok? » y’avait de la vulnérabilité dans cette phrase, et aussi l’espoir d’une rencontre futur. C’est pas rien, ça, au fond.