Le pas léger et une énième chanson dans le gosier qu'elle fredonnait, Merle se baladait dans la ville principale. Elle n'avait pas véritablement de but. Elle venait de sortir de la bibliothèque et errait maintenant joyeusement dans les rues. C'était le privilège d'être en jour de repos : elle pouvait faire ce qu'elle voulait ! Toujours accompagnée d'Indra, son évoli, la jeune fille allait de ruelle en ruelle, s'arrêtant par moment pour contempler une vitrine ou s'acheter un petit snack. Snack qui finissait tout le temps partagé entre elle et sa partenaire. Il n'était pas question de la laisser mourir de faim après tout !

Après quelques minutes de vadrouille, Indra se figea.
Ses oreilles bougèrent, s'orientant vers une direction inconnue.
Intriguée, Merle demanda se qui arrivait à la petite quand celle-ci lui intima de la suivre. Sans remettre en question la boule de poils, elle la suivit, de plus en plus intriguée. Et puis, au bout de quelques secondes de marche, elle entendit les premières notes de musique raisonner à ses oreilles. Indra savait que sa dresseuse aimait le chat aussi l'avait-elle conduit au pied d'un petit immeuble offrant des salles et espaces de co-working en location.
D'une des fenêtres de la bâtisse s'élevait des chants a cappella de plusieurs personnes.
Ni une, ni deux, la chanteuse remercia sa partenaire et, l'embarquant sous le bras, fonça à l'intérieur du complexe.
Il ne lui fallu pas longtemps pour trouver d'où venait les chants, entre autre parce que la porte était à demi ouverte. De ce qu'elle pouvait entendre, c'était une répétition apparemment...
Poussée par sa curiosité, l'illumienne glissa la tête dans l'entrebâillement de la porte.

Son sang se glaça alors que son regard se posait sur l'intérieur de la pièce.
Un petit groupe d'enfants tenta de suivre les indications de leur chef d'orchestre, un jeune homme aux cheveux sombres et aux mèches rouges. A l'instant où la chanteuse s'était rendue compte qu'il y avait un mâle dans cette pièce, une bouffée d'angoisse lui avait prit la gorge. Elle avait fait un pas en arrière et était prête à rebrousser chemin avant que cette fichue boule rose ne donne l'alerte. En une pensée fugace et muée par une peur traumatique, Merle se dit qu'elle aurait bien étranglé cette alarme sur pattes...

La cantatrice sentit des sueurs froides lui couler le long du dos lorsque l'inconnu lui sourit et lui demanda s'il pouvait l'aider.
Ne pouvant pas prendre ses jambes à son cou même si elle en mourait d'envie, la jeune femme opta pour le mensonge. Forçant son souffle à se calme et à se faire plus lent, elle répondit par un sourire poli au musicien.

- Excusez moi, je ne voulais pas déranger votre cours !... J'ai été attirée ici par les chants que l'on entend de dehors. Vos élèves sont drôlement bons !

Elle se raccrocha aux petits pour conserver son calme apparent, leur offrant un sincère sourire de soutient.  

- Je ne vais pas vous importuner plus longtemps, veuillez encore m'excuser pour le dérangement !...

La trentenaire allait rebrousser chemin quand elle vit une petite fille quitter sa chaise pour venir vers elle, des étoiles dans les yeux.

- Vous êtes la madame de l'opéra, hein ? On vous a vu avec maman l'autre soir !

La rousse se figea.
Elle se souvenait de cette petite. Comme à son habitude, après la représentation, Merle était allée se fondre dans la foule pour récupérer à la volée les avis des gens. Certains l'avaient reconnus et ça avait été le cas de la mère de cette enfant. Le petit trio avait donc discuter un peu avant de se quitter. Tout le monde avait été content. C'était une bonne soirée.
Pour autant, là, tout de suite, la fille aux yeux d'émeraude aurait préféré que la petite ne se souvienne pas d'elle. Cependant, avec la vivacité de son âge, l'enfant c'était retourné vers l'assemblée, la pointant du doigt.  

- Faut que vous l'entendiez ! Elle chante trop bien ! Monsieur, monsieur ! Vous pouvez chanter avec elle ? Ca va être trop beau !!

Conservant son masque de douceur et le sourire qui allait avec, Merle était en vérité en train de mourir de l'intérieur.
Elle avait qu'une envie : partir.
Sauf qu'entre ce toudoudou et cette petite, elle ne le pouvait plus maintenant !
Il lui fallait une idée.
Et vite.

De toutes évidences, le type n'avait clairement pas envie d'accéder à la requête de la petite. Son mensonge saute aux yeux et la petite n'y mord pas plus que la chanteuse. Vive comme une lampéroie, avant que la trentenaire n'ait eue le temps de rebondir sur l'idée qu'elle avait des choses à faire, la gamine reprit la parole, s'adressant au professeur.

- T'avais plein de voix toute à l'heure ! Maman elle dit que c'est pas bien de mentir. Faut pas mentir !... Alleeeeeeeez ! Si te plait. Si te plait. Si te plaiiiit !

Se tournant en rythme vers son professeur puis vers la chanteuse, des yeux de chiens battus parfaitement rodés, presque larmoyants, l'enfant mettait tout en œuvre pour obtenir ce qu'elle voulait. Et... Merle était faible envers les petits. Humains ou pokémons, elle avait un petit cœur qui avait une tendance bien trop forte à son gout à fondre face à un être à la bouille trop mignonne. C'était mal, elle le savait, mais elle n'arrivait juste pas à combattre cette faiblesse. Surtout qu'en plus, comme si le numéro de la curieuse ne suffisait pas, les autres enfants se mirent à scander en cœur :

- Une chanson ! Une chanson ! Une chanson !

Sautillant d'un pied sur l'autre, toujours aussi peu à l'aise, quand bien même l'enfant lui avait permis de penser à autre chose et de s'apaiser un peu, la jeune femme finit par répondre, un peu gênée :

- Je suppose qu'une chanson ne va tuer personne... Enfin, si votre professeur est d'accord...

Elle se passa nerveusement la main dans les cheveux pour garder sa contenance et son calme apparent.
Foutue bouille d'ange ! Saleté de faiblesse débile ! La kalosienne avait envie de se foutre des baffes !
Mais bon, pour ces petits, elle pouvait bien leur accorder ça, non ? Après tout, ce n'était qu'une chanson, ça serait vite finit...
Enfin, avec un peu de chance, le garçon refuserait et elle pourrait en profiter pour partir. C'était toujours une option parfaitement viable !