Pourquoi se donner rendez-vous à un endroit où on va se geler le cul? Y’a plusieurs raisons en vrai. De manièreplus mignonne, y’a ça; moi je viens d’un village très au nord de l’hémisphère, où la neige est éternelle (ou presque), et ainsi le froid mordant de cet endroit m’invoque un brin de nostalgie. D’un autre côté, quoi de mieux qu’une excursions dans le froid pour ensuite se coller sous la couverture avec un chocolat chaud (plus si affinités)?

Puis de manière vraiment plus égoïste, ça me permet de porter un manteau et des mitaines, ce qui cache mon bras mécanique. Ça me donnera le temps d’approcher le sujet en douceur lors de notre balade au fin fond de nulle part… certes, j’aurais dû le mentionner leur de nos inombrables conversations en texto. Mais je ne l’ai pas fait, alors j’aurai le plaisir de lui faire la surprise.

Puis j’arrive : comme prévu, une silhouette m’attend dans le froid. Pas petit, pas grand. Avec des pokémons autour de lui. Je m’approche d’un bon pas – trop rapidement pour que mon cerveau ait le temps d’assimiler quels pokémons ma date avait avec lui…

« Hey » dis-je, sourire charmeur aux lèvres, « Je ne t’ai pas trop fait attention j’esp- » et puis ce qui devait arriver arriva. Tu t’es tourné et j’ai reconnu ton minois. Je reste un instant là, le souffle coupé, des papillons dans le ventre aussi, et puis j’ajoute; « [???] » dis-je, confus, mentionnant ton username pour m’assurer que c’est bien toit. Mais au fond de moi, j’sais; quelle autre raison aurais-tu d’être ici, au fond de nulle part?

Moi je reste bouche-bée, mais tu ris. Oh, je ne le prend pas mal, au fond, c’est vrai que la situation est très risible. Je suis juste un epeu sous le choc, avec en fond des émotions contradictoires qui se bousculent. Je suis comme toi (sans le savoir); je ne souhaite pas un coup d’un soir, pas avec toi au tout cas. Puis je dois réconcilier la manière que tu as d’écrire quand tu es sur le site de rencontre – de manière joyeuse et mignonne, avec des emojis de Skitty – et ette démarche un peu froide que tu te donnes aux premiers abords. Mais je le sais depuis longtemps, au fond; c’était visible dans ta tasse de café favorite à la maison et dans la manière que tu as de parler de tes pokémons.

Juste, j’aurais préféré faire un rendez-vous et s’embrasser avant de s’envoyer des photos coquines, hein. Mais bon, ce qui est fait est fait.

Et puis tu ris à en perdre l’haleine, tu essuis des larmes et puis ça m’arrache un sourire; c’que t’es mignon, au fond. Le rire et les sourires et la bonne humeur te vont bien au teint, quelque chose comme ça. « Bah quoi » dis-je, posant mes mains gantées sur mes hanches, l’air tout à fait coquin; « Elle est pas si petite, pas besoin de se moquer » et bon pas besoin de vous faire un dessin sur la chose dont je parle, mais je trouve qu’en ce moment, c’est peut-être la meilleure manière de gérer la chose. D’en rire – d’en rire jusqu’à plus capable, et puis ensuite passer à autre chose.

« J’espère que ça ne te coupe pas l’appétit » dis-je, me penchant pour offrir une caresse à Pumpkin, « J’ai déjà tout prévu pour ce soir, ce serait dommage d’annuler » petit clin d’œil parce qu’à quelque part, je crois pas que t’as plus envie d’annuler que moi, au fond. « Je vais même te donner une pièce de puzzle » dis-je, mon regard s’étandant vers l’étendue glacée et l’obalie qui roule en fond; « Je viens d’un petit village où les températures ressemblent à celles qui se trouvent ici. » hochement d’épaule; « J’sais pas, j’me disais que ce serait sympa. On va se geler le cul à avancer, et après, pour se récompenser, on pourra prendre un chocolat chaud et… » hésitation, mon regard se fait un peu fuyant, mais bon, comme je porte des lunettes de protection contre le soleil et le vent, ça ne se voit pas trop. « Faudra se blottir sous la même couverture pour se réchauffer, tu vois, j’avais tout un plan qui impliquait de n’avoir qu’une couverture, donc là, pardon, pas le choix » je pouffe de rire. Ce n’était pas du tout le cas (et j’espérais que ça s’entende dans ma voix), mais surtout, je voulais te dire d’une manière ou d’une autre que je souhaitait continuer cette nuitée « romantique », si cela te convenait.

« T’inquiètes pas » dis-je, affichant un beau sourire; « j’fais que, euh… alléger l’atmosphère. T’as vu plus de moi que c’que j’voudrais montrer à ma mère, quoi » oui, bon, en même temps, ma mère… Elle est plus jeune jeune. Un beau 80 ans passé, quand même. Et sûrement toujours aussi à penser que ma vie n’est pas assez bonne, alors qu’elle me satisfait très bien à moi.

Mais qu’importe, tu continues de sourire alors moi j’suis heureux comme un Canarticho dans l’eau. « Hey, c’est bon à savoir » dis-je, me frottant un peu le visage de ma mitaine pour cacher mon gros sourire de vainqueur. C’bien qu’on soit sur la même longueur d’ondes, mon cœur aurait eu du mal à s’en remettre, même si au fond tout ça était vraiment une grosse surprise. Pour moi, en tout cas. « Eh, on voit que d’nous deux, c’est toi l’détective. Moi j’y ai vu que du feu, je pensais pas qu’c’était toi » et je me fais violence pour ne pas mentionner les emojis de Skitty – je sais pas si c’est le genre de chose qui te mets mal à l’aise ou pas. Après tout, dans nos correspondances régulières, t’en utilises pas.

« Oh, l’humain s’adapte.  On est peut-être pas des pokémons, mais on s’arrange. Mais je dois avouer qu'avec l’âge, le climat au sud de l’île fait du bien. J’suppose que j’voulais me sentir jeune en v’nant ici, hein » petit rire de connard alors que mon regard se perd sur la surface enneigée. Est-ce que je dois repréciser mon âge? Je te l’avais bien dit via l’application, je m’en souviens. Parce que vite fait, comme j’ai les cheveux noirs, parfois on me donne un peu plus jeune que ce que j’ai, et je voudrais pas te mener en bateau.

Est-ce que j’aurais cru aux premiers abords que t’aimerais fréquenter un homme de mon âge? Non. Mais bon, au départ, j’étais même pas sûr que t’étais gay, alors… on peut pas dire que mon intuition gagne quand t’es le sujet principal. « Bah, pas besoin d’une bouillote quand on a le confort d’un corps tout chaud près de soit! » que je dis en me retenant tout juste de ricaner; « Mais c’est pas pour tout de suite. Premièrement, faut faire la marche jusqu’à chalet, et vu la température, vaut mieux y arriver avant que la nuit arrive, hein » ouais dit comme ça ça donne des vibes de tueur en série, pardon-

« Eh, c’est chiche quand m- » oh purée, le Posipi qui essaie de capturer un Cadoizo, on voit vraiment de tout de nos jours. Heureusement, la capture Ratentif et les deux Cadoizo s’enfuient sans demander de reste, une intervention probablement traumatisante pour le petit duo. « J’vois qu’Yam est égal à lui-même » dis-je, sans savoir qu’ajouter d’autres. « Allez, avançons… à mois que tu veuilles déjà rebrousser chemin. La soirée est jeune, mais si t’aimes pas le froid… » et puis je ris; « vraiment, c’qu’on ferait pas pour un- » et puis je m’arrêtes. pour un coup d’un soir. Des mots tout à fait normaux vu ce qu’on est en train de faire, et pourtant, j’peux pas les dire.

« On pourrait parler, aussi » mais quel con, évidemment qu’on va parler. « J’veux dire. En chemin vers le chalet ou de retour vers le sud. Mais j’préfère être bien honnête Arès, j’ai pas envie de faire un coup d’un soir. » et puis je cligne des yeux au ralentit, comme réalisant ce que je viens de dire. « Enfin si je veux- enfin je veux pas pas – enfin tu v- c’que j’veux dire » et je viens pincer l’arrête de mon nez de mon pouce et de mon indexe, jurant tout bas. « putain de merde, je sais plus parler » et puis; « J’voulais juste te dire que j’savais peut-être pas que ce serait toi que je verrais ce soir, mais maintenant que c’est toi, j’suis content qu’ce soit l’cas, mais aussi, que j’espère que ce sera un premier de plusieurs » oui, voilà, ça sonnait déjà vraiment mieux, non? Et puis je ris – plus doucement, cette fois; « Enfin ça c’est si la soirée est pas totalement nulle »

Heureusement, j’ai aucune idée du trouble qu’y’a dans ta tête. Ouais – moi j’ai mes traumas, mais ils ne sont pas directement liés à mes relations amoureuses. Si je savais que c’était ton cas, peut-être serais-je plus prudent, plus délicat, ou peut-être que je prendrais peur. C’est une grosse responsabilité, après tout, d’être le premier après une relation toxique. Je me mettrais probablement la pression, pour le coup. Mais je sais pas et je sais pas si je saurai un jour (quelle phrase quand même).

« Surtout les petits Skitty dans tes messages » dis-je, un sourire plus affectueux sur mes lèvres. « Oui, j’avoue que c’est presque mieux que ce soit des Skitty que des Mentali. Parce que je crois pas que je t’aurais plus reconnu, mais les Mentali m’auraient fait direct penser à toi, et j’sais pas, j’me serais pas senti de faire ma chaudasse avec un inconnu en pensant à quelqu’un d’autre » ah, oui, c’est une belle manière de présenter la chose. Y’aurait sûrement manière d’être froissé en interprétant, mais moi je continue comme si de rien était.

« Pas trop mal conservé? » que je dis, la main gantée sur le cœur comme si j’allais faire un malaise. « J’ai même pas de cheveux gris encore. Un miracle de ma génétique » ah, ouais, on peut dire que pour le coup j’ai été chanceux sur ça. Je connais des gens qui commencent à avoir des cheveux gris dans la fin vingtaine, alors… enfin, c’est faux; j’ai bien trouvé un ou deux cheveux gris, mais proportionnellement, c’est négligeable. Même pas 0,1% de mes cheveux. Alors j’arrondie à la baisse, ok? Mais je vois bien que tu fais ton fendant là, et moi je joue le jeu. C’est déjà bien, tu sembles être plus détendu en ma présence et je peux pas demander mieux.

Au moins, on semble être sur la même longueur d’onde – pas de coup d’un soir, un premier rencart et peut-être d’autre (avant d’arriver, je suppose, au même résultat). Mais ça m’encourage; et puis je remarque bien que t’as besoin qu’on s’occupe de toi. C’est pas nouveau – à mon âge, quand on fréquente des gens plus jeunes, c’est souvent rassurant d’être pris en charge en quelque sorte. C’est qu’la vie est difficile, hein, alors c’est bien de se faire paterner un peu. Juste du fait de mon âge, c’est presque attendu que je sois aux petits oignons avec mes fréquentations.

« Faudra tester » dis-je, coquin; « Si un corps suffit pas, y’a les pokémons. C’est pas pour rien que j'aime autant les pokémons à poils. Merlot, à elle toute seule, elle est une vrai chauff’rette » puis je me souviens de quelque chose que je t’avais demandé, y'a pas si longtemps en plus; « Me demande pas comment ils ont fait, mais y’a je crois une génératrice au chalet. Si tu veux, on pourras se faire ce film de romance dont je t’avais demandé le titre… »  avec un peu d’espoir, de regarder un de tes films de romance préféré, ça te ferait oublier un peu le froid mordant de l’endroit…

« Hey, t’as bien raison » dis-je pour t’encourager; avec un peu de chance, ça sonnera pas trop paternaliste quand même, mais vraiment, si ça te fait plaisir de mettre des petits émojis mignons, pourquoi pas? Bon, on a pas le même âge, je crois que pour les gens de ma génération c’est un peu moins courant d’utiliser des emojis à tout va, mais ça me fait plaisir de les voir quand tu me parles. Peut-être, au fond, que je devrais apprendre à les utiliser, au moins avec toi. « Est-ce que ça te ferait plaisir que j’en utilise? » que je dis à voix haute, me faisant tiquer alors que je réalise que j’ai dit tout haut ce que je pensais. Qu’importe – la question restait valide, c’est juste que je suis un peu timide sur ce sujet, mais au fond, pour toi… ouais, pour toi je peux bien poser des questions comme ça. Après, je veux pas que tu crois que je compte changer l’essence de qui je suis pour toi… dans le sens que ça serait pas très sain. Mais juste d’utiliser des emojis plus souvent, c’est pas si mal, non?

« Ouais, la douche chaude sera pas de trop » que j’acquiesce, « t’iras prendre la tienne en premier » que j’ajoute – sur un ton qui n’invite pas à la discussion. Après tout, j'ai plus l’habitude du froid que toi, y’a aucun univers dans lequel je peux imaginer que je prenne la douche chaude avant toi. Puis ça me permettra de mettre la scène en place, de partir un feu et de réchauffer le chalet si besoin. Y'a beau avoir de l’électricité, j’imagine pas qu’ils chauffent à plus de 20 degrés Celsius quand y’a personne dans la barraque.

« Oh! » que je m’exclame, comme me rappelant de quelque chose d’important (enfin si c’est pas important, c’est au minimum intéressant); « la prochaine fois, on ira se faire tremper dans un spa. Je crois que tu préfèrerais largement » si tu n’aimes pas le froid, le spa est comme la solution parfaite. « T’aimes l’eau? Te baigner, en général? Y’avait pas beaucoup d’occasions pour se baigner à Fr- » et puis je coupe ce que je dis, fais mine de tirer sur mes mitaines; « à mon village natal » que je finis un peu maladroitement – j’ai faillit laisser sortir le nom de Frimapic, mon village natal. Après, juste le nom de la ville, comme c’est tout petit, à moins de bien connaitre Sinnoh, ça ne te dira pas grand-chose.

C’est évidemment le signe que je me sens un peu trop à l’aise avec toi. Mais pourtant je sais que je ne devrais pas, on apprend seulement à se connaitre. Qui sait quelle est ton expérience de vie, au fond, et le fait d’être policier ne t’empêcherait pas vraiment de travailler avec des gangs… quoique dans ton cas, il y a un petit quelque chose chez toi qui me donne l’impression que ce ne serait pas possible, mais j’ai eu tord sur d’autres trucs moins importants dans ma vie. « Ah, le voilà! » que je dit avec enthousiasme, espérant que ça suffirait à orienter la discussion vers autre chose. « Tu le vois? » dis-je en pointant la structure du chalet qu’on pouvait voir au détour du sentier. « On est presque arrivés. Tu tiens bon? »

« T’inquiêtes » dis-je, « On choisira le film ensemble, de toute manière, alors pas d’pression. Mais ça m’intrigue de voir un film romantique avec toi. » ça pourrait devenir notre truc, quoi. Alors je dis; « J’suis pas toujours le plus grand des romantiques, c’est sûr » bon, c’est pas un point pour mon camp, mais je préfères largement être honnête sur le sujet. « Mais si je regarde des films romantiques avec toi, qu’avec toi, alors dès que je verrai un truc romantique, je penserai à toi. Et vraiment, l’idée de te voir dans les petites choses de la vie, ça me plait » je toussote légèrement; « j’espère que ça sonne pas trop ringard ou étrange »