Avec l’été -fin des cours, début des vacances- venait son lot de touristes, mais aussi de nouveaux travailleurs qui venaient de terminer leur instruction, et ça n’était au fond pas différent pour les rangers qui doublaient d’effort malgré les chauds rayons du soleil pour intégrer les nouvelles recrues et, plus particulièrement pour nous, les stagiaires! Pouvait-on vraiment les appeler ainsi? Certes, on devait les former pendant une certaine période, mais n’était-ce pas plus vrai que les rangers se cherchaient surtout de la main-d'œuvre pas payée pour accompagner les rangers certifiés pendant une des périodes les plus achalandées de l’été? Ah, qui sait – surtout pas Anton qui, lui, s’occupe surtout de s’assurer qu’il atout préparé pour son stagiaire d’une fin de semaine. Certes, une fin de semaine, ce n’est pas grand-chose, mais il parait que c’est aujourd’hui qu’il faut entrainer la main-d’œuvre de demain! Comme petit dernier de la cuvée de l’an passé, Anton ne se souvient que trop bien du chaos que l’arrivée des nouveaux travailleurs avait représenté, et surtout des tâches ingrates qu’on lui avait refourguées. C’est peut-être pour ça qu’il avait insisté pour faire une vraie de vraie sortie avec toi. Rien de trop dangereux (on l’espère) parce que tu es encore un enfant, de l’âge de ses adelphes en plus, mais quelque chose d’assez intéressant pour que tu veuilles revenir.

Après tout, le but ce n’est pas de te dégouter de l’emploi dès tes premiers pas dans la profession, même s’il fallait avouer qu’il était trop réel que le boulot de ranger implique pas mal de paperasse et de rapports. Mais ce choc-là, on pourra le garder pour quand tu commenceras vraiment la profession, pas vrai? Vous vous étiez donné rendez-vous, donc, non pas au Q.G. des rangers, mais plutôt à l’orée de la ville. La Zéblitz d’Anton s’impatientait (mais quand ne s’impatientait-elle pas, en même temps?) en l’attente de ton arrivée, Anton s’occupant de vérifier que ton votre matériel de camping était bien attaché à sa selle. Oui; Anton se propose pour faire du gros travail ingrat, mais le plus ingrat du travail, ce n’est pas lui qui le fait! Peut-être une composante étrange, l’arc composite d’Anton, pas peu cher payé, ainsi que son carquois de flèches, étaient tous deux bien installés du côté gauche, artéfact étrange, peut-être, pour un ranger, mais que le blond emportait partout avec lui, juste pour la chance rare d’y trouver une utilité.

Au lieu de vivres (en dehors de l’eau, bien sûr), Anton avait plutôt emporté son guide de cueillette en nature et ses suppléments protéinés – autant te donner une expérience de survie en camping en plus d’une expérience de survie tout court, pas vrai? Il espérait sincèrement que tu n’étais pas le genre d’adolescent qu’on avait forcé à prendre la formation et qui allait rester le nez collé sur son téléphone, parce que disons que ce qu’il avait préparé, ça n’allait pas du tout concorder avec tout ça! Et quand même, Anton n’est pas une bête sauvage, il a pensé à emporter des chamallows, quand même! Lui, il était facilement repérable de là où il était (son mètre quatre-vingt-quelques aidant quelque peu), avec ses cheveux blond-blanc, sa peau pâle comme un phare dans la nuit et ses piercings insolites. Il tenait son téléphone dans sa main, l’oeillant avec une légère nervosité toutes les dix secondes, le reste de son temps occupé à scanner la populace dans l’espoir de t’y trouver. On lui avait refilé, pour faciliter votre première rencontre, ta photo étudiante (et ton nom aussi). Il n’avait pas eu le temps, par contre, de fouiner du côté des jumeaux pour en apprendre plus sur toi, ce qui, franchement, était dommage.

« Maeno! » s’écrit-il avec soulagement en voyant ta tête poindre entre les touristes, s’élançant comme vers le ciel, sur la pointe des pieds, main jetée vers les nuages et se brandissant telle une torche dans la nuit. Et oui, c’est lui que tu allais te coller! Anton n’en a pas l’air, mais comme les jumeaux, il ne manque pas d’énergie; par contre c’est Bardane, sa Zéblitz, qui profite de son moment de vulnérabilité (sur la pointe des pieds, il n’est pas aussi solide qu’à l’habitude) pour donner un coup de naseau dans le creux de son dos et le faire s’étaler de tout son long… enfin c’était ce qui serait arrivé s’il ne s’était pas remis en équilibre à temps. « Oula, Bardane, c’est du gravats là qu’il y a par terre, pas de l’herbe » la gronde-t-il (trop) doucement, avant de se retourner vers toi et de … « Alola! » dit-il, répétant le salut habituel des îles plutôt que de te tendre la main. « Si ton sac est trop lourd » dit-il aussitôt, « On peut mettre des trucs dans le mien. Et pour la forme, moi c’est Anton, je serai ton… »

Et le voilà qui perd ses mots momentanément, l’air de chercher ce qui le définirait le mieux; son regard aux yeux vert tendre se posant sur toi comme pour te supplier de l’aider…