Misère; tout le chaos avec Bandol et le Denticrisse, ça m’a empêché de vraiment pouvoir profiter de cette belle rougeur qui se propage sur ses joues; ne va pas croire que tes toussotements sont subtils, loin de là, et à vrai dire juste là j’en registre cette réaction, de manière à ce que je puisse la reconnaitre dans d’autres situations où ce serait moins évident que tu caches tes sentiments de la sorte. Oh; je ne te ferai rien de méchant, bien entendu, mais qui n’aime pas taquiner ceux qu’il aime? J’en suis coupable, et pour moi ils ne sont qu’une des sortes d’attention que j’aime donner à ceux autour de moi. Enfin passons; j’ai lâché une pokéball vers Bandol dans l’espoir qu’il entre dedans (espoir futile s'il en est un), mais dans ma maladresse j’ai renvoyé une pokéball vide et j’ai… peut-on vraiment dire que c’est de la maladresse si j’arrive à faire quelque chose de mon erreur? Disons plutôt que j’ai la chance que je Denticrisse entre dans la pokéball, arrêtant là (pour le moment) son règne de terreur. Il semblerait que tu sois arrivé à une conclusion semblable, et je pousse un gros soupir de soulagement, oeillant Bandol d’un air sérieux alors qu’il me ramène la pokéball contenant le pokémon aquatique. « Ouais, celui-là, faudra lui trouver une maison, là ce sera pas possible… »

Déjà parce que j’ai pas d’aquarium géant chez moi. Déjà parce que j’ai pas de chez moi. Je me retourne et, dans un élan de soulagement, mes bras viennent entourer ton ventre alors que mon menton vient se déposer sur ton épaule avant de déposer un éphémère baiser sur ta joue, un peu rêche à cause des petits poils qui y poussent, mais ayant moi-même une barbe taillée, je ne vais pas me plaindre à cause d’un peu de pilosité! Je te serre tendrement avant de te relâcher, soufflant un petit « j’imaginais notre séjour à la plage plus paisible » que j’avoue, et puis j’ajoute pour contrecarrer mon propre défaitisme : « mais il n’en tient qu’à nous de s’assurer que le début de notre jour de vacances ne soit pas représentatif du reste » mais j’ai un petit quelque chose qui me tiraille. Parce que je me souviens de mon premier passage ici, je me souviens des portails et- mais non, ce n’est pas possible, on le saurait s’il y avait des portails qui s’ouvraient ici… pas vrai…?

« Viens-là » dis-je en te libérant, « vu ton teint de peau, on ferait mieux de te crémer tout de suite, tu crois pas? » aucunement un reproche, et puis moi j’ai le teint naturellement plus foncé que le caucasien moyen (que je ne suis pas de toute manière). Je me penche (belle vue, n’est-ce pas?) pour attraper la pokéball de ma toute nouvelle capture et je la bardasse un peu pour la mettre dans un recoin de mon sac à dos : un problème pour plus tard! Je sors la crème et je n’hésite pas à m’en mettre, je retire même mes lunettes soleil pour m’en mettre sur le nez même si je sais qu’après elles vont avoir plus tendance à glisser. Je fias tout ça… avec le cœur qui bat fort et vite parce que je me dis Oh Arcéus, je lui ai fait un bec sur la joue et je suis même pas foutu de l’embrasser en premier et tout ce genre de chose. Mais c’est un fait : j’ai envie de t’embrasser, de te cajoler, de te transporter dans un monde de douceur – mais à force d’être obnubilé par l’idée du moment parfait, j’en finis par passer tout droit plein de dates.

Et oui, certes, on s’est dit qu’on irait tranquillement, mais ça fait des semaines qu’on est… ensembles? En fréquentation? Je ne sais pas, je ne sais plus. Moi j’ai tej les sites de rencontres pour me concentrer sur toi, et j’ai l’impression, peut-être à tort, que toi aussi. On est juste trop passifs pour vraiment avoir une discussion et officialiser, franchement, on est pires que des gamins rendu là. Mais aujourd’hui… oui, aujourd'hui, je trouverai un moment romantique, un moment naturel où il sera agréable de recevoir un baiser. J’y crois – je nous en fait la promesse. On le mérite, non? « Besoin d’aide? » que je te dis en te tendant mon tube, sourire en coin : « J’aurai besoin d’aide, moi, pour le dos, si t’es pas trop occupé » et oui, c’est là que mes passages au gym vont payer. Parait qu’un dos solide et musclé, c’est irrésistible. En tout cas c’est ce que m’a dit ma coiffeuse quand je lui ai parlé de mes amourettes!

« Si tu veux, on ira ensemble » dis-je d’un hochement de tête appréciateur; « faut bien qu’elle serve la moto » et puis de toute manière, comme ça tu pourras passer par les magasins avant de rentrer chez toi, et tu ne risques pas de passer la nuit sans rien pour le pokémon. C’est pas grand-chose, mais j’aime bien l’idée de t’être utile pour les petites choses de la vie, comme ça. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer qu’un jour, peut-être, on vivra ensemble… mais disons que nous avons tous les deux des trucs à régler dans nos vies, et des choses à nous avouer, avant de faire ce changement drastique dans notre style de vie.

Je reçois ton baiser sur ma joue avec le sourire d’un homme comblé par la vie, même si le petit côté égoïste que j’ai espère toujours plus; tu m’offres un baiser sur la joue mais moi, ce que j’espère, c’est bien un baiser sur mes lèvres – et pourtant de la même manière je suis celui qui attend pour faire les premiers pas, et à force d’attendre le moment parfait, il semble que nous devenons trop confortables dans cet entre deux entre l’amitié et l’amour. « Oui, on fera avec » que je répète sans plus faire de chichis sur notre situation.

« La couleur du Arès ne me dérange pas » dis-je en riant, « mais son bien-être et son confort dans sa peau, oui » c’est vrai, au fond, le problème avec le coup de soleil c’est pas l’apparence dudit coup de soleil, c’est bien le fait qu’il fasse mal. Je prends le tube de crème solaire et je commence à te l’étendre, mais avant que j’aie eu le temps de terminer, voilà qu’un courant d’air froid nous fouette; c’est qu’un jet d’eau puissant vient d’être jeté pas très loin de nous, avec nous comme seconde cible!

« BÂTARD » le juron s’échappe tout seul d’entre mes lèvres; j’aimerais faire bon cas de figure devant toi, mais je suis totalement terrifié par l’action du pokémon eau et mon premier réflexe, c’est de lancer à toute vitesse le tube de crème solaire entre les deux yeux du Flingouste, espérant le surprendre, peut-être le faire fuir… enfin ce serait mentir de dire que j’ai pensées aux possibilités, mon corps a réagi tout seul. Sur l’impact, le tube de crème solaire explose et des gouttes de crème viennent se catapulter dans les yeux du pokémon sauvage, qui commence à hurler  sa détresse, partiellement aveuglé, avant de retourner dans l’eau de la mer, moi le cœur battant à tout rompre et m’étant cramponné par le suite à toi.