Pendant le silence radio (qui n’en était pas vraiment un, juste une baisse de ton activité au niveau des textos, autant pour répondre à ce qu’il disait que ton intérêt pour ses selfies qui n’étaient pas réciproques depuis un petit moment), Alyosha s’était rendu compte d’une chose : maintenant qu’ils s’étaient annoncé ouvertement qu’ils étaient petits copains, l’idée d’être sans contact avec toi était une forme d’agonie lente et pervasive. Pourtant ça n’avait été que deux semaines – pourtant Alyosha savait qu’il y avait des périodes où tu étais indisponible de par la nature de son travail, mais cette fois-ci lui semblait différente. Pas d’excuses, pas d’explication, juste moins d’intérêt.

Et forcément, Alyosha se demande si le pire n’est pas en train d’arriver. Si tu n’as pas justement perdu intérêt maintenant que vous avez officialisé votre romance, maintenant qu’il n’y a plus de « chasse » à faire pour son affection. Il se sentait mal d’assumer quelque chose du genre venant de son amoureux, mais disons que son imagination faisait des cabrioles depuis quelques jours.

Mais tu avais finalement proposé de se voir, chez toi. Ça rassurait Alyosha pour plusieurs raisons – déjà ton appartement était un endroit où tu étais à l’aise, donc si tu n’allais pas très bien ou que tu avais de la fatigue, comme tes messages laissaient supposer, c’était sûrement pour le mieux, et puis après, on invite rarement quelqu’un chez soi pour rompre. Non; il sentait que l’ambiance allait simplement être au confort et au final, ça lui allait. Ça avait été dur pour lui de te laisser de l’espace, même s'il se doutait que tu avais eu quelques soucis récemment. Peut-être allais-tu lui dire de quoi il en retournait?

Il frappe à la porte – tu ouvres presque immédiatement, mais Alyosha ne relève même pas la chose. Son cœur pompe dans sa poitrine avec force, et bien qu’il s’était promis de te laisser de l’espace, c’était plus fort que lui, à peine quelques mots offerts par toi qu’il faisait ses premiers pas dans l’appartement; il pose une main contre ta hanche et l’autre contre ta joue, t’attire vers lui et pose un solide baiser sur tes lèvres. Pourquoi dire que tu lui avais manqué quand il pouvait l’exprimer par ses gestes? Il t’élance avec un abandon qu’il n’ose pas s’avouer – qu’il avait justement eu peur d’avoir. Lorsque le baiser est rompu, le voilà qui fait un pas vers l’arrière, comme visiblement embarrassé de cette sentimentalité dont tu ne voulais peut-être pas t’accaparer, mais il laisse un sourire en coin se développer sur ses lèvres.

« Pour le moment, Arès, je n’ai besoin de m’abreuver que de te présence »

Était-ce trop? Était-il trop collant, est-ce que tu allais détester tout ça? Sa main valide trace l’arc de ta joue avec délicatesse alors qu’il te regarde avec amour, comme t’englobant tout entier pour mémoriser ce moment dans sa mémoire. Et pourtant, bien vite, ses inquiétudes se manifestent – tu as l’air fatigué, mal en point, et ça lui dit qu’il n’aurait pas dû mettre sur tes épaules le poids de la solitude qu’il avait ressenti dans les deux dernières semaines.

« Viens, allons nous asseoir sur le canapé » dit-il, essayant de se montrer plus doux. « Si tu veux, je te raconte ma semaine. Ou on parle de la tienne » oui, c’est sûr, sa manière de le proposer manquait de délicatesse. Mais il se demandait vraiment ce qui se passait avec toi, dans ta vie, mais il ne voulait pas non plus forcer des réponses que tu n’étais pas prêt à donner. En tout cas, si tu ne voulais pas en parler, là tu avais une échappatoire, quoiqu’Alyosha n’avait rien de particulièrement fou à raconter.

« T’excuse pas » qu’il souffle, front contre le tien comme pour te serrer un peu plus, pour avoir un peu plus de surface de contact; « J’te prends comme t’es » et puis il rit – un soubresaut inattendu, les joues un peu rosies, apportant un peu de soleil avec lui-même si ce n’est peut-être pas le moment; « Enfin, je veux dire… dans le sens figuré… quoique » et voilà qu’il se racle la gorge, le bon beauf, avec son énergie de tracteur à gazon. Mais pourtant malgré la mauvaise blague, il n’en reste pas moins lui-même, un homme doux, mais certes très maladroit, un homme qui veut plus que tout t’aimer et être à tes côtés. « Fatigué, malade, de mauvaise humeur, au fond si je peux être avec toi un peu, tout ça, ça ne me dérange pas tant, tu sais » et puis ça fait longtemps, et il le sent bien que tu t’accroches à lui – que quelque chose cloche, même s’il ne serait pas capable, à lui seul, de mettre le doigt sur quoi.

« C’est sûr que j’aimerais une explication » glisse-t-il prudemment, incertain que c’était la bonne chose à dire; « mais prends ton temps » ajoute-t-il pour consolider le fait qu’il ne souhaitait pas te tirer les vers du nez. Après tout, s’il avait été ce genre de personne, ça aurait déjà été fait. Oh, pas qu’il ne voulait pas le faire, loin de là, mais il avait peur de te faire fuir avec la brusquesse dont il était trop souvent capable. Assied à tes côtés sur le canapé, il passe un brasa derrière tes épaules pour faire bonne mesure, comme s’il essayait de t’entourer pour te protéger – Pumpkin sur tes genoux, au final tu étais bien entouré. Évidemment, Sangria était un peu triste de perdre son ami et mentor, mais, sage comme une image, elle saute sur le canapé et se place tout contre ta cuisse pour faire comme les autres, tête aux grands yeux innocents posée sur ta jambe alors que ses oreilles bougent avec une certaine curiosité.

« Ma semaine… alors, j’ai passé un peu de temps avec mon cousin. Ça fait un peu étrange de le revoir après tout ce temps, mais… ça fait du bien aussi, malgré la distance, tu vois? C’est un peu comme si, d’un côté, je le connaissais encore tout au complet, son repas et ses chansons préférés, et à la fois comme si j’étais face à un inconnu. On arrête jamais vraiment de connaitre quelqu’un, mais en même temps, on peut tellement changer rapidement… et je me demande si moi aussi, au fond, j’ai changé. J’ai pas l’impression, mais ce genre de chose, ça se fait un peu à notre insu, tout ça… »

Et puis il s’arrête de parler, parce qu’il sent que tu es sur le point de dire quelque chose – quelque chose de très important. Et puis il fronce les sourcils – un peu choqué, mais ne voulant pas non plus s’exprimer comme s’il était fâché, parce qu’il ne l’était pas au fond. Sa première réaction était de se sentir insulté, en quelque sorte, mais il voyait bien l’état de bouleversement dans lequel tu étais. Alors il garde pour lui son j’aimerais que tu ne penses pas de moi ainsi parce que c’est vrai, au fond, qu’est-ce que tu fais à imaginer qu’il va se barrer dès que tu lui parles de ta semaine? Il dit : « Écoute Arès, à moins que tu sois sur le point de m’annoncer que tu m’as trompé avec quelqu’un, je crois qu’on peut assumer de base que je vais pas me barrer si facilement, d’accord? » c’était noble, à la fois une promesse et un avertissement. Parce que oui – vous qui n’aviez pas encore fait « toutes les choses » que font les couples, pour ainsi dire, il se sentirait trahi que tu sois allé vers quelqu’un d’autre pour ces choses, tu comprends?

Mais ce qui sort d’entre tes lippes le laisse confus. Un ex? Évidemment, il ne savait rien de cet ex, ou de tout autre ex, tout comme au fond tu ne savais rien de ses ex à lui, pour peu qu’il en ait. La Team Elo Roque, d’accord, jusque là tout allait, mais un pion? Alyosha n’était certainement pas au fait des appellations de l’équipe, ça c’était assez clair, disons qu’il se tenait personnellement loin de tout ça pour des raisons évidentes. Donc tu as un ex… qui fait partie de la team Elo Roque? Sa confusion augmente. Parce que t’es flic – parce qu’il ne t’imagine pas trainer avec de la racaille, mais au fond, qu’est-ce qu’il est, lui, sinon pas de la racaille? Peut-être que tu as un « type », au fond. Mais bien sûr, Alyosha ne comprend pas à quel point il peut se tromper. Parce que pour autant qu’il se conduit comme un voyou, Alyosha a un cœur d’or et ne ferait pas de mal à une mouche, pas sans raison, et surtout pas à ceux qu’il dit aimer.

« Okay » dit-il, bougeant un peu pour se replacer alors qu’il semble essayer de comprendre là où tu t’en allais avec tout ça. En tout cas, il était évident que de la voir, ça t’a bouleversé. Alors il commence par dire : « Arès, je crois que je comprends pas tout ce que tu me dis, ou son importance, mais je peux te dire ça, au moins. Pour moi, ton ex… et quiconque d’autre avec qui tu as pu être dans le passé, tout ça, ce n’est pas une réflexion de qui tu es aujourd’hui » il ne sait pas – se fait des films comme toujours. Peut-être trainais-tu avec lui avant de devenir flic? Peut-être as-tu un grand secret, un passé comme criminel que tu tentes de racheter en travaillant comme policier? Et puis un noyau se forme un peu dans son estomac – il ne sait pas à quel point la mention de la team Elo Roque est importante dans tout ce casse-tête, mais il sait qu’un jour, il voudrait s’ouvrir à toi sur son propre passé, aussi compliqué cela puisse-t-il être. Mais si c’est ta réaction face à ton ex, peut-être que tu auras la même en apprenant de son passé sordide…

Non; pas le temps de s’inquiéter pour ses propres fesses, il avait ta détresse à gérer. « Y’a… plusieurs choses qui peuvent faire qu’on ne veuille pas croiser son ex. Après tout, une relation se termine rarement sur la bonne entente, mais… j’ai l’impression qu’il y a plus que ça qui se passe, et- je veux juste te dire que je comprends que tu aies eu besoin de temps à toi-même pour faire la part des choses. Mais que je suis content, aussi, que tu me fasses part de tes inquiétudes » il ne savait pas trop quoi ajouter – alors il attend de voir si tu en as plus que ça à dire. Peut-être que ça sortira tout seul, et sinon – il insistera un peu.